CHALLENGE

J'ai défié un expert du jeu d'échecs

Les enseignements de Sun Tzu appliqués au jeu d'échecs.

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8
min
Publié le
4/12/2020

Ma mère m’a appris à jouer aux échecs à 5 ans.

Depuis, j’ai toujours eu une affection particulière pour ce jeu.

Je ne suis ni bon, ni mauvais. J’ai ce niveau agréable où je gagne contre ceux qui savent jouer, et je perds contre ceux qui ont réellement pratiqué.

Cette fois, j’ai décidé de monter d’un cran le niveau en tentant de prendre une partie à un expert. Mais comment définir un “expert” du jeu d’échecs ?

Le système Elo

Le classement Elo attribue à un joueur un nombre de points basés sur ses performances passées. L'idée est que deux joueurs supposés de même force aient le même score. Si un joueur réalise une performance supérieure à son niveau estimé, il gagne des points Elo. Réciproquement, il en perd s’il réalise une contre-performance.

Ce système est basé sur un calcul probabiliste.

La même différence de points entre deux joueurs implique la même probabilité de gain. Ainsi, un joueur classé 2850 Elo a autant de chances de vaincre un joueur classé 2800 Elo qu'un joueur classé 1250 Elo en a de battre un joueur classé 1200 Elo.

Pour les amateurs de mathématiques, la probabilité de gagner en fonction de la différence de points Elo D est donnée par :

Pour les non-matheux, vous pouvez utiliser ce site.

À partir de quel niveau Elo un joueur d'échecs peut-il être considéré comme un "expert"?

The United States Chess Federation donne le titre de “Chess expert” aux joueurs qui atteignent 2000 Elo.

Au début de ce défi, mon Elo était autour de 1200.

1200 VS 2000, c’est une confrontation avec une probabilité de gain de 0,99 %.

1 partie sur 101.

Voilà le récit de cette bataille :

J'ai réussi mon défi lors d'une partie jouée en cadence Fischer 3 + 2. Cela signifie que chacun de nous avait 3 minutes à la pendule pour jouer, avec un ajout de 2 secondes par coup. J'ai gagné par le temps, mais je n’ai pas à rougir de ma position.

Après ce challenge, mon niveau approche désormais 1400 Elo.

Dans la vidéo, j'explique comment j'ai réussi à prendre une partie à un adversaire beaucoup plus fort que moi. Dans cet article, je vais plutôt partager quelques principes pour améliorer son jeu et partager des histoires échiquéennes.

Un jeu de guerre

Il est possible de tracer un parallèle entre les échecs et les principes développés par Sun Tzu dans son célèbre traité "L'art de la guerre", écrit en 500 av. J.-C.

Voici quelques principes simples à garder à l'esprit pour progresser :

Connaître la valeur des pièces

Chaque pièce a un indicateur de puissance :

  • Pion : 1 point
  • Cavalier : 3 points
  • Fou : 3 points
  • Tour : 5 points
  • Dame : 9 points

On peut retenir qu’échanger un cavalier contre une tour est généralement peu judicieux.

Cependant, la valeur réelle des pièces fluctue selon la position sur l'échiquier. Par exemple, les cavaliers surpassent les fous dans des positions fermées, où de nombreux pions bloquent le jeu. À l'inverse, quand l'échiquier s'éclaircit, les fous dominent !

Le mot de Sun Tzu :

« La perception est forte, la vue est faible. »

Contrôler le centre

Lorsque vous contrôlez le centre d’un champ de bataille, vous pouvez jaillir plus facilement sur n’importe quelle escarmouche. C’est pour cela que la plupart des joueurs ouvrent la partie en mettant des pions au centre (en E4 ou D4).

Le mot de Sun Tzu :

« Généralement, celui qui occupe le terrain le premier et attend l’ennemi est en position de force ; celui qui arrive sur les lieux plus tard et se précipite au combat est déjà affaibli. »

Développer ses pièces

Si un membre de votre équipe de foot passe sa partie au coin de corner, il ne sera pas très utile. C’est la même chose aux échecs. Si les pièces ne jouent pas, elles ne servent à rien.

Le mot de Sun Tzu :

« Il faut conduire, en amont du combat, des manœuvres indirectes, dont le but est soit de préparer une situation favorable au combat, soit de vaincre sans même devoir combattre. »

Mettre son roi à l’abri

Le roi est le nerf de la guerre. S’il est capturé, vous perdez la partie. Il est donc conseillé de mettre son roi à l’abri en roquant après avoir déployé ses pièces et pris le contrôle du centre.

Le mot de Sun Tzu :

« Lorsque le coup de tonnerre éclate, il est trop tard pour se boucher les oreilles. »

Échanger ses pièces en cas d’avantage matériel

Si vous gagnez une pièce (disons un cavalier), il est alors astucieux d’échanger le maximum de pièces (dame contre dame, tour contre tour, etc).

Quand une équipe de rugby à 15 joue contre une équipe de 14, l'avantage n'est pas si évident. Mais si vous attaquez à 2 contre 1, cette fois, vous êtes en position écrasante.

Le mot de Sun Tzu :

« Lorsque vous possédez la supériorité à dix contre un, encerclez l'ennemi. À cinq contre un, attaquez-le. À deux contre un, divisez-le. Si vous êtes de force égale, vous pouvez engager le combat. »

Tout est relatif

Il est essentiel de maîtriser les règles avant de les transgresser. Chaque partie étant unique, un bon joueur saura s’adapter et parfois déroger à certains principes.

Le mot de Sun Tzu :

« Ne répétez pas les mêmes tactiques victorieuses, mais adaptez-vous aux circonstances chaque fois particulières. »

Deux rois pour une couronne

C'était en 2012. J'étais en Math Spé.

Il était tard quand je suis tombé par hasard sur un documentaire. Tant pis pour les révisions, j'étais complètement captivé.

C'est l'histoire d'un duel intense entre Garry Kasparov et Anatoli Karpov.

Kasparov VS Karpov, c’est un combat de style, un affrontement idéologique et même une lutte politique entre deux hommes aux idées diamétralement opposées.

Kasparov VS Karpov, c’est :

  • 144 parties disputées
  • 104 nulles
  • 21 victoires pour Kasparov
  • 19 victoires pour Karpov

Même Hollywood n'aurait pu inventer un scénario pareil.

Bienvenue dans l'univers fascinant des échecs.

La folie Fischer

Retournons en arrière dans la chronologie.

Avant le célèbre duel Kasparov VS Karpov, une autre bataille a marqué l'histoire, opposant Bobby Fischer à Boris Spassky.

Le film sur son ascension est fascinant.

Et si vous pensez sa vie est romancé, attendez de voir le vrai Fischer. La folie de Beth Harmon dans la série Netflix “Le Jeu de la dame” s'inspire probablement de celle de Bobby.

De la gloire américaine à l’exil, sa psychose n’avait d’égal que son génie.

Après Spassky, c’est le jeune Karpov qui se hissera au sommet de la pyramide soviétique.

Fischer contesta tant les conditions du match qu’il fut déclaré forfait et Karpov fut couronné champion du monde. Vous connaissez la suite de l'histoire.

Qui est le GOAT ?

Il est difficile de comparer des joueurs de différentes époques, car ils ne disposaient pas des mêmes connaissances ni des mêmes outils.

Deux branches de la recherche se confrontent : les méthodes statistiques qui se basent essentiellement sur les résultats des parties jouées et les méthodes intrinsèques qui cherchent à évaluer directement la qualité des coups joués.

Le modèle Markovien est particulièrement intéressant :

“La méthode a été testée sur 26 000 parties jouées par tous les champions du monde d'échecs depuis Wilhelm Steinitz. Elles ont été évaluées sur un superordinateur en utilisant le programme Stockfish, qui a un classement de 3 150 Elo dans le cadre de cette étude. L'évaluation a pris 62 000 heures de CPU. Pour chaque position, on estime d'abord la probabilité qu'une erreur soit commise, et l'amplitude de cette erreur, en comparant les deux meilleurs coups (évaluées au rythme de deux minutes par coup, soit une profondeur d'environ 26 demi-coups), avec le coup effectivement joué, en commençant au dixième coup, pour limiter les biais liés aux bibliothèques d'ouverture. Ces modèles, calculés annuellement pour chaque joueur, sont ensuite utilisés pour calculer la probabilité de victoire/nul/défaite pour un match opposant n'importe lequel des joueurs dont on connaît le modèle.”

Selon ce modèle, en prenant en compte la meilleure année de chaque joueur, Carlsen de 2013 arrive en tête, suivi par Kramnik de 1999, Fischer de 1971 et Kasparov de 2001.

La légende de Sissa

Connaissez-vous l'origine du jeu ?

Une légende raconte qu’un roi des Indes cherchait à tout prix à tromper son ennui. Il promit une récompense exceptionnelle à qui lui proposerait une distraction qui le satisferait.

Lorsque le sage Sissa, lui présenta le jeu d'échecs, le souverain, enchanté, demanda à Sissa ce qu'il souhaitait en retour pour ce cadeau extraordinaire.

Sissa demanda au prince de déposer un grain de riz sur la première case, deux sur la deuxième, quatre sur la troisième, et ainsi de suite, doublant la quantité de grain à chaque case.

Le prince accorda immédiatement cette récompense en apparence modeste. Peu après, son conseiller réalisa qu'il venait de signer la mort de son royaume car les récoltes de l'année ne suffiraient pas à satisfaire le prix du jeu.

En effet, sur la dernière case de l'échiquier, il faudrait déposer 2^63 graines. Au total, cela représente un total de 18 446 744 073 709 551 615 grains pour Sissa.

Le poids moyen d’un grain de riz étant d’environ 0,04 g, on peut estimer la récompense promise par le roi à 737 milliards de tonnes de riz.

Le mot de la fin

Du roi des Indes à Beth Harmon, en passant Fischer et Kasparov, le jeu d’échecs incarne une lutte incessante contre l'adversaire, mais surtout, contre ses propres démons.

Ce combat, Stefan Zweig l'a magistralement illustré dans son chef-d'œuvre Le joueur d'échecs. C’est l’histoire d’un homme qui, pris au piège de la solitude et de l'isolement, découvre dans les méandres de son esprit un échiquier.

Ce jeu est un reflet de la vie : des choix à faire, des sacrifices à envisager, des défaites à surmonter et des victoires à savourer. Aux échecs, chaque coup compte, et même un pion peut renverser un roi.

Comme dirait le grand Sun Tzu :

« Lorsque le monde est en paix, un homme de bien garde son épée à son côté. »

Ulysse Lubin signature

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