CHALLENGE

J'ai plongé à -35 m en apnée

L'histoire d'un voyage entre deux souffles, en quête de soi.

Temps de lecture estimé :
18
min
Publié le
22/10/2021

J’ai plongé à -35 m en apnée.

C’est une histoire improbable qui commence à Kaş, un petit village au sud de la Turquie. À mon arrivée, j'ai découvert un centre d'apnée.

Lorsque Adnan, mon futur instructeur, m’a demandé quel était mon objectif, j’ai répondu -30 m. Je n’avais aucune idée de ce que cela représentait.

Il m’a alors dit : “Combien de temps restes-tu à Kaş ?”.

J’ai rétorqué : “Le temps qu’il faudra”.

C’est ça de mettre son ego au service de ses projets (et non l’inverse).

C'était un vendredi et ma formation devait commencer le lundi. Entre-temps, j’ai fait un tour en bateau pour découvrir les environs. À mon retour, j'ai découvert une grande scène sur la place du village avec une dizaine de délégations portant les couleurs de leurs pays.

J'ai été surpris de voir qu'un événement international se déroulait dans un lieu si éloigné. Puis, j'ai compris. Sur l’écran géant était écrit “Freediving World Championships”.

Sans le savoir, je me trouvais dans le petit village qui accueillait les championnats du monde d'apnée, la veille de ma première plongée. La synchronicité est folle.

Voilà le récit vidéo de l’acte 1 de cette histoire :

Au cours de cette première semaine d'apnée, j’ai franchi la barre des -30 m sept fois, avec un record à -33 m. J'ai également rencontré Stéphane Tourreau, vice-champion du monde (que vous pouvez voir dans la vidéo). Nous sommes devenus amis.

Quelques mois plus tard, Stéphane m’a invité à participer à un stage de trois jours à Tenerife. J’y suis allé et j'ai battu mon record avec une plongée à -35 m.

Pour l’anecdote, j’ai atteint cette profondeur alors que j’avais une sinusite (je pensais que ce n’était qu’une allergie). Ensuite, j’ai pris l’avion, et mon tympan a explosé suite à ce double barotraumatisme. Je n’avais pas eu aussi mal depuis la piqûre de la fourmi balle de fusil.

Sinusite ou pas, j’en ai profité pour visiter une épave.

Photo prise par Mehdi Allam

En 2024, un troisième acte de cette aventure s'écrira. Stéphane Tourreau m’a proposé de le rejoindre pour un mois d'entraînement dans les eaux chaudes de la Dominique.

Objectif réaliste : -40 m.

Objectif fou : - 50 m.

Sommaire

En Turquie, j’ai passé deux niveaux SSI.

Dans cet article, je vais vous partager un résumé de mes notes.

Nous couvrirons 8 parties :

  1. Le matériel
  2. L’envie de respirer
  3. Comprendre la pression
  4. Équilibrer la pression
  5. Les respirations des apnéistes
  6. Les risques
  7. Les techniques
  8. La visualisation

Vous découvrirez :

  • Pourquoi le volume des poumons est divisé par quatre à -30 m sous l’eau
  • Comment le corps s’adapte à l’augmentation de la pression
  • Comment un apnéiste équilibre cette pression
  • Pourquoi est-ce que l’on parle de rendez-vous syncopal

Vous mettrez également des images concrètes sur ces principes physiques :

  • La poussée d’Archimède
  • La loi de Boyle-Mariotte
  • La loi de Dalton
  • L’effet Bohr

⚠️ IMPORTANT : J’ai relevé ce défi dans un environnement contrôlé, sous la supervision d’instructeurs expérimentés. Ce sport comporte de nombreux risques qui ne doivent pas être négligés. La plongée en apnée nécessite un équipement approprié, des connaissances et des compétences.

Ne plongez JAMAIS seul(e).

Le matériel

Le masque

Les apnéistes utilisent des masques à faible volume (avec deux verres) pour minimiser la quantité d'air nécessaire pour équilibrer la pression pendant la descente.

Le tuba

Le tuba doit être retiré de la bouche lors des plongées en apnée pour minimiser le risque d'inhalation d'eau et pour conserver les voies respiratoires libres en cas d'accident.

Les palmes

Il existe différents modèles de palmes, variant selon la voilure et les matériaux utilisés.

En apnée, on préfère les palmes chaussantes à voilure longue car elles maximisent la propulsion tout en minimisant l’effort.

On en distingue deux types, correspondant à des disciplines différentes lors des compétitions officielles :

  1. Bi-palmes (pour nager à la manière d’un ornithorynque)
  2. Mono-palme (pour nager à la manière d’un dauphin)
File:SpecialFins.jpg - Wikimedia Commons

La combinaison

L’eau absorbe la chaleur du corps vingt-cinq fois plus vite que l’air. Sans combinaison, on a rapidement froid !

Il existe plusieurs types de combinaisons. Dans mon cas, j’ai utilisé une combinaison en néoprène.

Les combinaisons peuvent être difficiles à enfiler, d'où l'utilisation de lubrifiant (souvent un shampoing ou un savon doux biodégradable).

Le lestage

Lorsqu’on entre dans l’eau, on est soumis à une force verticale (de bas en haut) égale au poids du volume de fluide déplacé (ici, l’eau).

Cette force est appelée poussée d'Archimède.

Lorsqu’un objet est lâché dans l’eau, trois cas sont possibles :

  1. Son poids est plus faible que le poids du volume d’eau déplacé.
    → L’objet remonte à la surface.
  2. Son poids est le même que le poids du volume d’eau déplacé.
    → L’objet reste en suspension.
  3. Son poids est plus grand que le poids du volume d’eau déplacé.
    → L’objet coule.
Définition | Poussée d'Archimède | Futura Sciences

Si les combinaisons résolvent le problème du froid, elles en posent un autre. Les mousses dont elles sont faites flottent et affectent la flottabilité naturelle de l’apnéiste.

Pour compenser, on utilise des poids attachés à une ceinture et/ou à un tour de cou.

Le lestage doit assurer une flottabilité́ positive en surface (pour se relaxer au départ et au retour), une flottabilité neutre vers 1/3 de la profondeur annoncée, et une flottabilité négative au-delà.

Cette dernière phase s’appelle le “free fall”, car l’on se retrouve aspiré vers le fond avec une vitesse d’environ 1 m/s.

Pour comprendre pourquoi la flottabilité diminue avec la profondeur, rendez-vous dans la partie sur la pression !

La montre

Elle permet de connaître la profondeur exacte et le temps d’apnée. De plus, on peut régler des alarmes pour savoir où l’on se situe pendant la plongée.

L’envie de respirer

O2 vs CO2

La durée que l’on peut tenir en apnée dépend de l’activité physique, du système respiratoire et de l’efficacité des mouvements en plongée.

Ces facteurs influencent la vitesse à laquelle l’oxygène (O2) est consommé et le dioxyde de carbone (CO2) est libéré.

Cela peut sembler contre-intuitif, mais c’est la concentration élevée de CO2 qui déclenche en premier le besoin de respirer, et non les bas niveaux d’oxygène.

Durant une apnée, l’expulsion du CO2 est momentanément suspendue, ce qui entraîne une accumulation dans les cellules, le sang et les poumons. Cet excès de CO2 va irriter le centre respiratoire dans le cerveau qui va alors donner l'ordre d'expirer pour s’en débarrasser.

C’est le réflexe respiratoire, qui se manifeste dans l’ordre par :

  1. Une sensation de chaleur dans la poitrine
  2. Un besoin de déglutir
  3. Des contractions du diaphragme

Réflexe d’immersion

Le réflexe d’immersion permet à tous les mammifères d’effectuer des apnées prolongées. Il est présent chez les mammifères marins comme les otaries, les dauphins et les baleines et, à un degré moindre, chez les humains.

Il s’active par le contact entre l’eau froide et le visage, ou par une augmentation du niveau de CO2 dans l’organisme.

Il se caractérise par quatre changements dans le corps qui aident à économiser l’oxygène :

  1. Une bradycardie
  2. Une vasoconstriction périphérique
  3. Le blood-shift
  4. L’activation de la rate

Bradycardie

Chez l’humain, au contact du visage avec l’eau froide, le pouls va ralentir (entre 10 et 50%), diminuant ainsi le besoin en oxygène.

Vasoconstriction périphérique

Progressivement, les capillaires à l’extrémité des membres vont se contracter pour ralentir la circulation du sang. Les pieds et les mains sont d'abord affectés, puis les jambes et les bras. Ainsi, davantage de sang est disponible pour les organes vitaux : le cœur, les poumons et le cerveau.

Blood-shift

Le “blood-shift” est un transfert sanguin qui se produit lorsque la pression en profondeur réduit le volume pulmonaire.

Le sang se déplace vers la cage thoracique. Les vaisseaux sanguins de cette partie du corps gonflent alors pour lutter contre la réduction d’espace due à la compression. C’est cet effet qui permet de protéger les poumons des barotraumatismes.

La rate

La rate se contracte et libère davantage de globules rouges dans le flux sanguin pour les mettre à disposition du corps.

En pleine récupération.

Comprendre la pression

La force

La pression est une force appliquée sur une surface. Par exemple, chaque cm2 de notre peau supporte environ 1 kg, qui représente le poids de l'atmosphère (au niveau de la mer).

Nous ne la ressentons pas car notre corps est incompressible et ses cavités (estomac, poumons, sinus, etc.) contiennent de l'air à la même pression.

En s’élevant à 5 000 m, la pression atmosphérique est deux fois plus faible qu'au niveau de la mer, car la masse d'air au-dessus de notre tête est alors réduite de moitié.

L’eau est environ 800 fois plus dense que l’air. En s’éloignant de la surface, le poids de l’eau au-dessus de nous augmente, et la pression grimpe.

À -10 m de profondeur, chaque cm2 de notre peau supportera, en plus de la pression atmosphérique, le poids d'un litre d'eau, soit 1 kg supplémentaire.

La pression est donc de 1+1 kg/cm2, c'est-à-dire de 2 bar.

Sous l’eau, la pression augmente au rythme de 1 bar tous les 10 m.

À -20 m, elle sera de 3 bar et à -30 m de 4 bar.

La loi de Boyle-Mariotte

Cette loi nous indique qu’à température constante, le volume d’un gaz décroît au même rythme que la pression augmente.

Lorsque l’on plonge, au fur et à mesure que la pression de l'eau augmente, le volume d'air contenu dans les cavités aériennes diminue. Lorsque l’on remonte, la pression diminue et le volume augmente.

Notre corps est conçu pour vivre à 1 bar.

À 2 bar (-10 m), le volume des poumons est déjà divisé par deux !

Lorsque je plonge à -30 m, le volume de mes poumons est quatre fois plus petit, soit environ la taille d’une balle de tennis pour chaque poumon.

C’est cet effet physique qui fait varier la flottabilité d’un plongeur.

En surface, les poumons ne sont pas comprimés. Ils prennent plus de place et déplacent un volume d'eau plus conséquent, ce qui nous fait flotter (poussée d’Archimède).

Lorsque l’on plonge, le volume des poumons va rapidement diminuer. Le lest est calculé pour que notre flottabilité atteigne un état neutre puis négatif afin de glisser et ainsi économiser de l’oxygène pendant la phase de free-fall. Le "blood-shift" viendra ensuite compenser la réduction du volume des poumons pour les protéger.

Équilibrer la pression

Lors de la descente, l'air contenu dans l'oreille moyenne d'un plongeur est en dépression par rapport au milieu ambiant, ce qui provoque une déformation du tympan.

Le plongeur doit alors volontairement insuffler de l'air dans son oreille moyenne via les trompes d'Eustache, afin d'équilibrer les pressions et ainsi éviter toute déchirure ou douleur.

En remontant à la surface, la pression dans les trompes se rééquilibre naturellement, car une partie de l’air redescend. C’est pour cela qu’il ne faut pas tenter de manœuvre de rééquilibrage lors de la remontée, sous peine de créer une surpression.

Oreilles et plongée : prévention des risques, méthodes d'équilibrage.
© Plongée Plaisir

Pour rééquilibrer la pression sur le tympan lors de la descente, il existe plusieurs techniques.

La manœuvre de Valsalva

On pince gentiment ses narines l’une contre l’autre, puis on souffle doucement par le nez tout en gardant les joues serrées. On entend alors un “pop” dans les oreilles. C’est la trompe d’Eustache qui se dégage.

La manœuvre de Toynbee

Cette méthode est moins employée en apnée. Elle consiste, nez pincé et mâchoire fermée, à effectuer un mouvement de déglutition.

La manœuvre de Frenzel

Elle est la préférée des apnéistes. Il faut, nez pincé et glotte fermée, placer la langue sur le palais en prononçant le son "KE" ou “TE” ou “H”.

C’est celle que j’utilise, même si je n’ai jamais vraiment compris comment je m’y prenais. C’est assez intuitif.

Équilibrer le masque

Vous souvenez-vous de la loi de Boyle-Mariotte ? Il se trouve qu’il y a de l’air dans le masque. En descendant, la pression augmente et le volume d’air dans le masque diminue, ce qui crée un effet de ventouse sur le visage.

Un afflux de sang arrive alors dans vos yeux et les tissus environnants. La différence de pression entre la circulation sanguine et l'air dans votre masque peut ainsi faire rompre les capillaires sanguins autour de vos yeux. Cela m’est déjà arrivé.

Pour éviter ce phénomène, il est important d’équilibrer le masque lors de la descente, en relâchant légèrement les narines et en expirant un peu d’air par le nez dans le masque.

C’est pour cette raison que l'on préfère utiliser des masques à faible volume, afin d'y expirer moins d’air lors de l’équilibrage.

Les respirations des apnéistes

Capacité pulmonaire

Nos poumons ont plusieurs modes de fonctionnement en fonction de nos besoins.

Pour mieux les comprendre, je vous propose un petit exercice (en prenant 6L comme volume pulmonaire de référence).

  1. Expirez tout l’air contenu dans vos poumons :
    → Il vous restera environ 1,5 L d’air à l’intérieur.
    → C’est le volume résiduel (RV), représenté en rouge sur l’image.
  2. Expirez normalement, puis une deuxième fois en vidant vos poumons
    → Lors de la seconde expiration, vous avez éjecté 1,5 L d’air supplémentaire.
    → C’est le volume de réserve expiratoire (ERV), illustré en violet.
  3. Inspirez, puis expirez normalement, sans forcer :
    → Au repos, vous respirez l’équivalent d’une pinte d’air (500 mL).
    → C’est le volume courant ou “tidal volume” (VT), en bleu.
  4. Inspirez normalement, puis inspirez une deuxième fois au maximum :
    → Lors de la seconde inspiration, vous avez ajouté jusqu’à 2,5 L d’air.
    → C’est le volume de réserve inspiratoire (IRV), en vert.
Lung Volumes and Capacities | Medcomic

Ces volumes peuvent être combinés pour mieux comprendre les réactions de nos poumons en profondeur.

Un apnéiste débutant aura un volume résiduel (RV) de 25%. Avec des exercices de stretching réguliers, ce volume peut être réduit à 20%.

Ainsi, un apnéiste confirmé pourra prendre de plus grandes inspirations (car les poumons se détendent), et utiliser une plus grande partie de l'air stocké.

La respiration de relaxation

Avant de plonger en apnée, on cherche à se détendre pour ralentir le rythme cardiaque et se relâcher. La respiration doit être profonde, contrôlée, mais jamais forcée.

En général, on respire par le ventre, en expirant deux fois plus longtemps que lors des inspirations.

La respiration préparatoire

La dernière ventilation est complète et profonde. Attention à ne pas la répéter plus de deux fois sous peine d’hyperventiler.

On remplit alors ses poumons en partant du ventre, gardant l’intégralité de l’air pendant la plongée.

En compétition, les apnéistes emmagasinent davantage d'air en effectuant la technique de la carpe, où ils vont compresser de l’air dans leurs poumons.

La respiration de récupération

Après une apnée, le corps contient moins d’O2 et plus de CO2.

Pour réoxygéner le corps et le cerveau, on prend une inspiration profonde, suivie d'une deuxième après 2-3 secondes d'apnée puis d'une expiration passive.

Lorsque l’on est sur fil, une bonne respiration de récupération peut éviter la perte de connaissance !

L’hyperventilation

Hyperventiler consiste à enchaîner une série de respirations rapides avec des temps d'inspiration et d'expiration égaux (par exemple 2 secondes et 2 secondes).

L'objectif est de purger le corps du CO2.

Cela a de nombreux inconvénients pour les apnéistes :

  • Augmentation du rythme cardiaque :
    → Cela nuit à la relaxation.
  • Vasoconstriction cérébrale :
    → Ce qui va perturber le flux du sang vers le cerveau et peut causer un black-out.
  • Augmentation de la présence d’alcaline dans le pH sanguin :
    → L’hémoglobine se lie à trop d’oxygène et les organes qui en ont besoin en sont privés. Ce phénomène est connu comme l’Effet Bohr.
  • Décroissance des niveaux de CO2 dans le sang :
    → Cela augmente le temps avant que le besoin de respirer ne se fasse sentir. L’apnéiste prend alors le risque de perdre connaissance lors de la remontée à cause d’un niveau d’oxygène trop bas.

Bref, ce n’est pas DU TOUT conseillé !

Symptômes de l’hyperventilation :

  • Vertiges
  • Engourdissement des membres
  • Tremblement des lèvres
  • Troubles de l'audition
  • Perte d'équilibre

Les risques

L’œdème pulmonaire

Puisque nous abordons les sujets qui fâchent…

L'œdème pulmonaire peut survenir lorsque les poumons sont incapables de gérer l'augmentation de la pression.

Symptômes :

  • Difficulté respiratoire
  • Toux
  • Crachats sanguinolents
  • Lésions pulmonaires

Pour l’éviter, il est important de travailler sa flexibilité, sa relaxation, et de progresser lentement sous l’eau, avec des mouvements contrôlés.

La panique est l’ennemi du freediver.

Le rendez-vous syncopal

Aussi appelé “shallow water black-out”, il se produit le plus souvent lors de la remontée, dans la zone entre -15 à -5 m.

Cette perte de conscience peut survenir rapidement, de manière insidieuse et sans signes précurseurs. Elle est cependant souvent précédée d'une perte de contrôle moteur (l'apnéiste devient moins coordonné).

Pour rester conscient, l’organisme humain a besoin d’un niveau minimum d’oxygène.

Pour mieux comprendre ce qui suit, nous allons avoir besoin de la loi de Dalton. Elle stipule que la pression totale d'un mélange gazeux est égale à la somme des pressions partielles de chacun des gaz qui le constitue.

Lors de la dernière inspiration avant de plonger, les poumons se remplissent d'air, qui est un mélange d'environ 21% d'O2 et 79% de N2 (le diazote, un gaz inerte responsable des narcoses lors des plongées profondes).

À mesure que la profondeur augmente, les pressions partielles de ces gaz vont augmenter. L'O2 va être consommé, et du CO2 va être libéré par l'organisme.

Lors de la remontée, les pressions partielles (pp) vont diminuer :

  • Si ppO2 < 15%, on entre en hypoxie.
  • Si ppO2 < 10%, c’est la syncope assurée.

On parle de rendez-vous syncopal car elle se produit souvent entre -5 et -15 m. C'est à ces profondeurs que la pression change le plus rapidement, et où la ppO2 est le plus susceptible de passer soudainement en dessous du seuil des 10% nécessaires pour rester conscient.

Si un apnéiste pousse ses limites en :

  • Etant stressé
  • Utilisant de mauvaises techniques
  • Descendant trop profond
  • Ignorant l'envie de respirer

… alors, le risque de black-out ou de perte de contrôle moteur augmente considérablement.

Symptômes :

  • Hochements de tête, tremblements, vision tunnel, perte de coordination
  • Lèvres bleues, visage cyanosé

C'est l'une des nombreuses raisons pour lesquelles il ne faut jamais pratiquer l'apnée seul.

Comment réagir ?

Il ne faut JAMAIS inspirer de l'air d'un plongeur équipé d'une bouteille : le gaz inhalé se dilatera rapidement lors de la remontée et risque de provoquer une rupture pulmonaire.

Heureusement, le corps humain a une réponse naturelle à la syncope sous forme de laryngospasme. Il s'agit d'une contraction musculaire qui ferme la gorge, empêchant l'eau de pénétrer dans les poumons et offrant une fenêtre d'intervention pour venir en aide à un apnéiste qui perd connaissance sous l'eau.

Dans ces situations, pensez à suivre les "3 R" : Récupérer - Réagir - Réanimer

Remonter :

  • Enlever le leste au niveau du cou
  • Remonter l’apnéiste à la surface
  • Maintenir les voies respiratoires hors de l'eau
  • Enlever davantage de leste si l'apnéiste est difficile à maintenir à la surface

Réagir :

  • Retirer le masque et le pince-nez
  • Incliner la tête de l’apnéiste en arrière pour ouvrir les voies aériennes
  • Tapoter doucement la joue pour provoquer une réaction
  • Souffler de l'air sur le visage (zone du nerf crânien)
  • Demander à l’apnéiste de respirer en lui parlant clairement

Ranimer :

Si la victime ne respire pas, c'est à nous de décider des soins à mettre en œuvre en fonction de la distance qui nous sépare du rivage ou du bateau.

D'abord, on peut effectuer une ventilation artificielle en ouvrant les voies respiratoires de la victime et en effectuant deux insufflations rapides.

Si la situation ne s'améliore pas et qu'il est difficile de remorquer l'apnéiste, on peut continuer les insufflations au rythme d'une toutes les cinq secondes.

Si l'apnéiste revient à lui, c'est le moment de fournir un soutien moral, d'expliquer ce qui s'est passé et d'insister pour arrêter la séance d'apnée pour la journée.

Réduire les risques

Quelques conseils :

  • Porter une combinaison adaptée à la température de l'eau
  • Éviter l'hyperventilation
  • Respecter ses limites
  • Commencer la remontée lorsque l'on se sent encore à l'aise et prendre son temps pour atteindre la surface
  • Communiquer avec son binôme et ne jamais pratiquer l'apnée seul
  • Effectuer des récupérations respiratoires adéquates entre deux apnées

La narcose

Pour vivre cette expérience aussi connue sous le nom d'ivresse des profondeurs, il faut descendre à de grandes profondeurs (généralement à partir de -60 mètres, mais cela dépend des plongeurs).

Lors de la descente, la pression partielle de l'azote (ppN2) va augmenter (loi de Dalton). Bien que ce gaz soit inerte, il a des effets narcotiques, ce qui peut perturber le comportement (comme lorsqu'on est ivre). À partir d'une certaine pression, c'est le décollage.

Guillaume Nery, le plongeur français qui a atteint -125 mètres de profondeur, a réalisé un court métrage basé sur ses hallucinations lors de ses plongées en apnée.

Les techniques

Le canard

Pour plonger depuis la surface :

  • Donner un élan vers l’avant avec un léger coup de palme
  • Orienter la tête vers le bas pour diriger la descente (les bras sont tendus dans le sens de la trajectoire recherchée)
  • Plier le corps au niveau des hanches pour aligner le haut du corps avec les bras
  • Relever les jambes verticalement ensemble pour créer une force gravitationnelle qui aide à propulser le corps vers le bas
  • Tracter avec les bras en les ramenant le long du corps, puis commencer à équilibrer en palmant
© DiveSSI

Immersion libre

L'immersion libre consiste à se tracter le long de la corde, à la seule force des bras, pour atteindre les profondeurs. Après un demi-tour, la remontée à la surface s'effectue de la même manière. La position du corps est détendue et le regard fixe la corde droit devant.

Poids constant

Après avoir effectué un basculement en canard, on utilise les palmes pour parcourir la première partie de la descente jusqu'à atteindre une flottabilité négative. Vient ensuite la phase de chute libre (free-fall), où on se laisse glisser vers les profondeurs, les bras le long du corps et les genoux légèrement pliés.

Une fois au fond, on effectue un demi-tour, lentement, et on commence à palmer pour remonter calmement, jusqu'à retrouver une flottabilité positive. À chaque instant, le regard reste fixé sur la corde et le corps demeure relâché.

La visualisation

Visualiser permet de s’entraîner mentalement.

Maintenant que vous avez quelques connaissances, vous pouvez essayer de visualiser une plongée complète.

Le début

L'apnéiste se repose, visage dans l'eau, en respirant sur son tuba. Des mouvements lents, détachés et relâchés préparent son corps et son esprit à l'effet bénéfique du réflexe d'immersion. Son rythme cardiaque commence à ralentir. L'apnéiste commence ses ventilations, jusqu'à retenir une dernière inspiration. Il retire le tuba de sa bouche tout en équilibrant ses trompes d’Eustache. Il bascule, comme un canard, tête en bas, et se déplace dans la colonne d’eau tout en équilibrant régulièrement ses oreilles et le masque.

Le milieu

L’apnéiste étant parfaitement lesté, il entre en chute libre (“free-fall”). Le palmage s’interrompt tandis que la gravité le tire vers les profondeurs. Le blood-shift se manifeste. Le cœur ralentit et le sang se déplace des membres vers les organes nobles (réflexe d’immersion). Lorsqu’il atteint la profondeur visée le plongeur est détendu et ne fait qu’un avec l’eau.

La fin

Le temps passé en apnée a taxé la réserve en oxygène. Le CO2 issu de ce processus commence à irriter le système respiratoire et l’apnéiste sent qu’il est temps de remonter. Comme pour la descente, il se met à palmer en partant des hanches, se propulsant vers la surface. Une fois la tête hors de l’eau, il passe en récupération respiratoire, fait le signe OK et continue à respirer lentement et profondément. Son binôme commence alors sa plongée, sous son regard.

Dans les eaux des Canaries

Conclusion

Lorsque je me présente, je dis que je relève 100 challenges à travers le monde pour dépasser mes barrières mentales. Le freediving incarne parfaitement cette idée.

Plonger avec une bouteille, c’est regarder vers l’extérieur.

Plonger en apnée, c’est regarder vers l’intérieur.

Entre deux souffles, ce voyage vers les profondeurs nous met face à nous-mêmes.

Sous l’eau, s’esprit se vide. On glisse en pleine conscience. Au fond, on embrasse la solitude, le silence. Quoiqu’il arrive, il faut remonter. L’abandon n’est pas une option.

Le freediving, ce n’est pas qu’un sport.
C’est un voyage vers les profondeurs, entre deux souffles, en quête de soi.
Ulysse Lubin signature

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