Le 13 août 2019, je me suis retrouvé dans cette situation :
Cette journée marqua le début de ma révolte. Émotionnellement, je suis allé au plus haut, puis au plus bas. Aujourd'hui, j'aimerais vous la raconter.
Commençons par planter le décor.
Acte 1 : Paris
Suite au crash de ma startup, je suis parti voyager seul, en Amérique du Sud. À mon retour en France, j'ai accepté un job dans une autre startup, à Paris.
Je résidais à République, dans une petite chambre au cœur d'une grande collocation peuplée de personnes occupées. Mon réveil sonnait à 8h, puis je prenais un Vélib' pour être au "morning meeting" à 9h tapantes.
Durant la journée, j'enchaînais les "calls" et les "brainstormings". Le soir, je m'accordais un "drink" en terrasse, ou deux, voire plus, avant de rentrer. Je sortais un sachet de riz pré-cuisiné que je chauffais au micro-ondes, accompagné de quelques morceaux de poulet. Je dînais tout en échangeant quelques mots avec mes colocataires, avant de me retirer dans ma chambre pour regarder une vidéo YouTube.
Puis, le réveil sonnait à nouveau. Je me traînais jusqu'au prochain "morning meeting", encore à moitié endormi. Pour recommencer, encore, et encore.
De l'extérieur, j'avais réussi. À 25 ans, j'avais un bon salaire. J'enchaînais les soirées. Mon agenda était plein.
Cependant, à l'intérieur, je me sentais vide.
Acte 2 : Bichkek
Un jour, une amie me confia que son rêve était de partir au Kirghizistan.
Je lui ai proposé un marché :
"D'accord, je t'accompagne, mais j'emmène quelqu'un que tu ne connais pas. Et toi aussi, tu devras choisir quelqu'un que je ne connais pas."
Ainsi, notre joyeuse troupe s'est retrouvée à Bichkek.
De là, nous avons traversé le pays pour atteindre Karakol, une petite ville nichée au pied des montagnes.
Acte 3 : Ala-Kul
Il y a un lac au Kirghizistan qui porte mal son nom : Ala-kul.
Situé à plus de 3500 m, s'y rendre nécessite un minimum de préparation. Le moins que l'on puisse dire, c'est que nous y sommes allés... un peu trop à la cool.
L'ascension est difficile et dangereuse. Nous n'étions pas acclimatés. Nous pensions qu'un refuge se trouvait au sommet. En fait... non.
En pleine nuit, sans nourriture, nous avons été secourus par un groupe de porteurs qui accompagnaient des touristes (l'équivalent des sherpas).
Nous ne parlions pas la même langue. Ce jour-là, ils nous ont logés et nourris.
Alors que l'un d'entre eux préparait une sorte de bouillie pour le petit-déjeuner, il m'a tendu un bol en disant : "Eat, strong". Ensuite, il était temps de se laver et de plier bagage.
Après une brève baignade dans l'eau gelée, nous avons poursuivi notre escalade jusqu'au pic surplombant le lac, à 3800 m d'altitude.
Finalement, cette histoire s'est conclue par un spectacle grandiose. En redescendant vers les sources chaudes d'Altyn Arashan, j'ai commencé à remettre en question sérieusement mes choix de vie.
Paris ? Le salariat ? Les startups ? Était-ce réellement ce à quoi j'aspirais ?
Acte 4 : Karakol
De retour à Karakol, nous avons reposé nos corps épuisés dans une auberge. C'est là que nous avons rencontré un groupe composé de deux amis et deux voyageurs solitaires. Après quelques verres, des idées ont commencé à jaillir.
"Venez on fait une course en stop !"
"Je ferais bien un trek à cheval."
"Et si on continuait tous ensemble ?"
Un habitant du coin se trouvait non loin. Il connaissait un guide, qui connaissait un homme, qui avait des chevaux. Pour le trouver, il fallait se rendre de l'autre côté d'Yssyk Koul, un gigantesque lac de 22 000 m².
Après un coup de fil, l'affaire était conclue.
Acte 5 : Attrape-moi si tu peux
Notre groupe était désormais composé de huit personnalités pour le moins originales. Et oui, on ne se retrouve pas au fin fond du Kirghizistan sans un brin de folie.
C'est alors qu'une traversée du pays s'est organisée. Elle a commencé par de longues heures debout dans un minibus bondé. Ensuite, nous avons séparé le groupe pour faire la course en auto-stop jusqu'à Balyktchy, puis Kyzart.
Mon équipe a été prise en charge par une première voiture, pour un trajet assez tranquille. Puis, nous avons embarqué avec des jeunes dans une atmosphère chaotique. Nous étions entassés dans un grand monospace, la musique à fond, échangeant des histoires via Google Traduction !
Jusqu'à ce que nous arrivions... là :
Acte 6 : Chevauchée fantastique
C'est ici que nous avons rencontré Kakù et ses dix chevaux.
Nous nous sommes alors lancés dans une chevauchée de plusieurs jours à travers les étendues kirghizes.
C'est là qu'elle a refait surface. Cette flamme qui brûlait jadis en moi avait été éteinte par ces "morning meetings", "brainstormings", "calls" et "drinks".
Dans ces montagnes, elle se rallumait.
J'ai commencé à imaginer une vie d'aventures. Et si je quittais tout ?
Le soir, nous logions chez des nomades.
Nous partagions leur repas, assis dans ces grandes yourtes typiques du pays, avant de nous endormir sur de confortables nattes.
Sur ces quelques couvertures, je rêvais de nouveau.
Petite anecdote pour briller en société : le drapeau du Kirghizistan reprend la forme du toit de ces yourtes, vu de l'intérieur. 🇰🇬
Acte 7 : 13 août 2019
Nous y voilà. C'était le dernier jour de ce trek. Confiants sur nos montures, nous galopions à travers une gigantesque plaine bordant un lac.
Et puis, nous sommes arrivés chez une famille incroyable.
Nous avons été accueillis par des enfants ! Ils voulaient jouer, et c'est là que nous avons appris la véritable méthode pour faire de la luge.
Un peu plus tard, je suis devenu l'attraction des femmes de la famille.
Ce n'était pas ma belle chemise froissée qui les intéressait, mais plutôt ce drôle d'objet qui volait au-dessus de leurs yourtes.
(si vous souhaitez vous plonger dans ces paysages, j'ai publié une vidéo du Kirghizistan vu par drone, qui dure moins de 2 min)
Place au repas !
Un banquet nous attendait. Mais ce n'était pas tout ! La famille sortit une première bouteille de vodka, puis une seconde.
Maintenant, souvenez-vous du début de cette newsletter : la bagarre.
Au Kirghizistan, deux sports sont particulièrement populaires (et violents).
Le premier, c'est le kok-boru. Il met en scène deux équipes de cavaliers qui se disputent une carcasse de chèvre à laquelle on a coupé la tête. Lorsqu'un joueur réussit à la porter dans le but adverse, son équipe marque un point. (Découvrez le kok-buru sur Netflix avec cet épisode de Sports d'ailleurs.)
Dans la famille, un des adolescents le pratiquait.
Le second sport national, c'est la lutte. Un petit peu éméché, le chef de famille voulait en découdre. Il a défié quiconque oserait se dresser devant lui.
Dans ma besace, j'avais six années de judo, et autant de shots de vodka. Comment dire... Je n'ai pas hésité longtemps !
Dans l'introduction, j'ai mentionné que cette journée fut émotionnellement très haute, puis très basse. À ce stade, nous sommes au sommet.
Ce fut un beau combat qui s'est terminé sur un match nul. Pour sceller notre amitié, la famille proposa du koumis. Comment refuser ?
Le koumis, c'est du lait de jument fermenté, et c'est probablement la boisson la plus étrange que j'ai goûtée lors de mes voyages. Voici le récipient qui contenait ce délicieux nectar avant qu'il ne finisse dans mon estomac :
Cette magnifique journée touchait à sa fin. Nous regagnions nos couchettes et, après un dernier échange avec mes camarades, la dernière lampe s'éteignait.
Quelques minutes plus tard, quelque chose n'allait pas.
Je ne sais pas si c'était le dîner, la vodka, le koumis, ou la lutte qui avait remué le tout, mais mon estomac n'avait pas apprécié autant que moi.
Je me suis équipé de ma lampe frontale pour rejoindre une petite fosse entourée de quatre morceaux de tôle, située à 50 m de la yourte. Entre-temps, la pluie avait commencé à tomber. Et moi, j'étais intoxiqué (et pas qu'un peu).
J'ai passé des heures à faire des allers-retours entre ma couchette et ce trou qui servait de toilettes. À chaque trajet, les yeux des chevaux reflétaient la lumière de ma frontale.
Cette nuit-là, je me suis senti très seul.
Acte 8 : Révolte
Le retour, d'abord à Kotchkor (à plusieurs heures à cheval), puis à Paris, fut des plus éprouvants. Comment pourrais-je revenir à ma vie d'avant ?
Alors que je réglais mon réveil à 8h du matin pour le "morning meeting", je me suis souvenu de cette promesse faite dans les montagnes kirghizes.
Je m'étais promis de ne plus me résigner et de me rebeller contre mon destin.
Alors j'ai questionné, j'ai lu, j'ai écrit, j'ai imaginé.
Après une introspection approfondie, j'ai enfin mis des mots sur le quotidien que je voulais vivre.
Quelques mois plus tard, je quittais mon travail, mon appartement et mes possessions pour partir relever 100 challenges à travers le monde.
Conclusion
Si je revisite cette aventure près de quatre ans plus tard, c'est parce qu'elle a déclenché cette décision de ne plus vivre par défaut. Il m'a fallu aller au Kirghizistan pour réaliser qu'être occupé, ce n'est pas vivre.
Alors, même si je vous encourage à explorer ce merveilleux pays, je crois qu'il n'est pas nécessaire d'aller aussi loin pour enfin s'écouter.
Si vous souhaitez être accompagnés dans ce cheminement vers une vie plus intentionnelle, je peux vous aider de deux manières :
- L'atelier d'introspection : c'est un programme en 30 exercices pour faire le point sur sa vie, clarifier sa vision, et passer à l'action.
- La méthode "Explorateur" : c'est une formation pour transformer Linkedin en un média personnel au service de ses projets.
PS : Petite pensée à mes compagnons de voyages. C'est avec un sourire ému que je me suis replongé dans toutes nos photos. ❤️